Chapitre 6
Léo fut introduit dans un bureau vide et entendit presque aussitôt un bruit de pas précipités, ceux d’une femme qui tentait de se hâter malgré ses hauts talons. Quand elle surgit dans la pièce, le jeune homme la compara à une hôtesse de l’air, mais si elle était vêtue d’un chemisier sérieux, sa jupe était beaucoup trop courte. Tant mieux d’ailleurs, car Léo put admirer une longue paire de jambes au galbe admirable. Cette grande brune était une merveille de la nature.
Elle se laissa bruyamment tomber dans son fauteuil avant de déclarer :
« Excusez-moi pour mon retard, souffla-t-elle. Ce bâtiment est trop grand pour moi et ces escarpins me… Enfin bref… Je m’appelle Amalia et je serai votre hôtesse pendant la durée de votre séjour.
— Mon hôtesse ?
— Oui. D’abord, je suis chargée de vous faire signer les contrats. »
Comprenant qu’il aurait des relations assez intimes avec elle, Léo autorisa son regard à s’arrêter sur le chemisier, enflé par une opulente poitrine. Comme il n’était pas boutonné jusqu’en haut, il laissait voir un décolleté calculé pour exciter la concupiscence du jeune homme.
« Vous connaissez le principe de l’émission ? s’informa Amalia.
— Bien sûr.
— La regardez-vous régulièrement ?
— Autant que possible.
— Qu’appréciez-vous le plus ?
— Tout… Je trouve que tout est très bien fait.
— Pour en venir à l’essentiel, violer une jolie fille avant de lui planter un couteau dans le corps est-il votre plus grand fantasme ? »
Une boule se forma dans la gorge de Léo et il bafouilla quelque chose.
« N’ayez pas peur de vous exprimer clairement, dit Amalia. S’il y a une pointe de perversité en vous, je ne vous le reprocherai pas. »
Elle lui fit un clin d’œil.
Il n’y avait presque plus personne pour considérer le viol comme normal et les rares hommes qui osaient en commettre un étaient immanquablement arrêtés. L’impunité, si commune durant les siècles précédents, avait totalement disparu. Cela n’empêchait toutefois pas le viol d’exister comme fantasme, au même titre que l’usage d’une lame tranchante sur un joli corps de femme.
« Je viens surtout ici pour l’argent, répondit Léo. Mais il est vrai que j’aime les jolies filles.
— Vous aimez le sexe violent ?
— Oui.
— Vous avez déjà brutalisé des femmes ?
— Oui, mais c’étaient des prostituées. Je les payais pour ça. Vous n’êtes pas déjà au courant ? Pourquoi m’avez-vous sélectionné ?
— Personnellement, je ne suis pas au courant de tout, or je suis votre hôtesse. J’aimerais savoir qui vous êtes, surtout du point de vue sexuel.
— D’accord.
— Je dois également vous rappeler que les filles auront des poignards alors que vous, vous n’aurez droit à aucune arme. Avez-vous déjà essayé de vaincre à mains nues une femme armée ?
— Non.
— Un garçon sur deux est tué. Si nous n’intervenions pas, la proportion serait plus importante. Il pourrait même arriver que tous les garçons se fassent tuer. Savez-vous comment le centre de contrôle intervient ?
— Non.
— Il y a différentes manières de faire, qui dépendent de la situation. Nous vous dirons par exemple où se trouve une fille et nous vous donnerons quelques conseils. »
Amalia se tut pour regarder avec un sourire malicieux Léo, qui était un peu mal à l’aise.
« Je vous rassure, il n’y a pas que du sang dans cette émission. Il y a surtout du sexe. Maintenant, je vous demande de lire ces contrats avant de les signer. Prenez bien connaissance de toutes les clauses. Le cas d’abandon du jeu concerne surtout les garçons. Nous avons envisagé que l’un d’eux renonce à agresser les filles, mais cela ne s’est jamais produit… Enfin, vous savez cela, n’est-ce pas ?
— Pour gagner de l’argent, je dois réussir à violer une fille ?
— Les scènes de sexe du début vous rapporteront aussi. Je vous recommande de ne pas vous ménager et de ne pas non plus ménager vos partenaires. Ça devrait vous plaire, n’est-ce pas ? »
Amalia fit un clin d’œil
« Mais il est vrai qu’avec un viol réussi, vous gagnerez beaucoup. Un meurtre bien sanguinolent également.
— D’accord.
— Le jeu est complexe et toutes sortes de choses peuvent se produire. On peut imaginer que deux garçons se battent pour une fille, mais c’est interdit.
— C’est dans les contrats ?
— Oui, le règlement du jeu est compris dedans. S’il arrive un événement imprévu, le centre de contrôle a un rôle d’arbitrage. »
Léo prit les feuilles de papier pour les lire avec attention. Il avait trop chaud dans son tee-shirt, bien que la température de cette pièce fût raisonnable. Le léger ronflement de la ventilation s’entendait.
Un quart d’heure plus tard, il apposa son empreinte digitale et Amalia changea sa montre en s’asseyant sur son bureau.
« Détendez-vous maintenant. Vous allez prendre une douche et passer aux choses sérieuses.
— C’est-à-dire ?
— Un coït avec moi, ça vous dit ? »
Léo regarda les cuisses d’Amalia et sentit son excitation renaître instantanément, mais il n’osa pas y toucher.
« Ne soyez pas timide, lui dit-elle.
— Je n’y peux rien ! »
Léo était énervé contre lui-même car il se targuait habituellement d’être sûr de lui, mais il était impressionné par ce qu’il voyait et entendait. Cet immense bâtiment presque désert symbolisait la puissance financière d’Eumédia, à laquelle venait de se soumettre l’humble éboueur qu’il était. La véritable gagnante de chaque jeu, c’était elle. Lui, il avait une chance sur deux de ne même pas avoir de funérailles.
« Venez avec moi, fit Amalia en sautant au sol. Vous allez découvrir des lieux que vous n’avez jamais vus. Tout n’est pas montré aux téléspectateurs. »
Elle toucha le bras de Léo. Ce bref contact le secoua tout entier et l’aida à se lever. Elle quitta le bureau et avança dans le couloir avec une démarche de mannequin sur ses hauts talons. On voyait qu’elle n’en avait pas l’habitude, mais elle se déhancha suffisamment bien pour faire oublier à Léo ses tourments.
Un chemin tortueux les amena devant une porte qu’Amalia ouvrit en composant un code. De la lumière jaillit dans le couloir sombre, car cette vaste chambre était brillamment éclairée. Malgré l’absence de fenêtres, elle évoquait un hôtel quatre étoiles. Elle était occupée par un très grand lit doté d’une épaisse couverture blanche, qui donnait l’envie de s’y allonger, deux armoires et une table. Le mur en face du lit était un immense écran gris, éteint pour le moment.
« Voilà ! dit Amalia en s’asseyant. C’est d’abord à vous de vous déshabiller. »
Pour encourager Léo, elle défit un bouton de son chemisier. En faisant une incursion visuelle dans son vallon de chair, le jeune homme distingua un soutien-gorge noir. Il lui répondit en retirant son tee-shirt. Amalia regarda son torse musclé avec un intérêt manifeste, puis son regard s’abaissa pendant que le jeune homme baissait son short et son slip. Son long pénis apparut en faisant éclore un sourire sur le visage de l’hôtesse. Il était pourtant trop mou pour se tenir droit.
« Pourquoi n’est-il pas dressé ? demanda-t-elle.
— Si vous pouviez vous déshabiller aussi…
— Pas maintenant. Prenez d’abord votre douche. »
Elle désigna une porte vers laquelle il se dirigea.
« Pendant ce temps, je rangerai vos vêtements. Je ne sais pas si vous voudrez encore vous en servir, mais je vous garantis que si vous avez le bonheur de repartir, ce sera beaucoup mieux habillé que maintenant.
— Merci du compliment.
— Vous quitterez cette chambre nu. J’espère que ça ne vous ne dérangera pas.
— Non, pas du tout.
— Vous ne verrez personne d’autre que moi jusqu’au moment où les concurrentes vous seront présentées. Quand ça se fera, je crois que vous n’aurez pas envie de vous rhabiller. »
La perspective de rencontrer ses promises ragaillardit Léo, dont le pénis trouva enfin la force de se lever. Il passa la porte et se retrouva dans un lieu aussi nu que lui, aux murs recouverts d’une matière ressemblant à de l’aluminium et équipé d’un grand miroir. En tâtonnant, il trouva le moyen de faire couler la douche, ainsi que des tiroirs qui lui délivrèrent de quoi se laver. Il devina qu’il devait apporter un soin particulier à ses organes génitaux. Les caresses qu’il se donna, superposées à ses pensées graveleuses, lui permirent de maintenir son érection.
À son retour dans la chambre, Amalia l’accueillit avec une grande serviette et un sourire tout aussi grand sur le visage. Elle avait défait son chignon, laissant s’écouler un flot de cheveux sur son dos, et avait retiré ses vêtements et ses chaussures.
Pour le moment, à cause de la serviette, Léo ne pouvait pas la contempler dans toute sa nudité, mais il apercevait un triangle pubien ombragé par quelques poils.
« Essuyez-vous, dit-elle. Ensuite, montrez-moi ce que vous savez faire.
— C’est-à-dire ?
— Essayez de me violer.
— Pardon ?
— Imposez-moi un rapport sexuel, mais sachez que je me défendrai.
— C’est un test ? Ou un entraînement ?
— Je qualifierais plutôt cela d’évaluation. Nous devons bien vous connaître afin de prévoir le déroulement du jeu. Il y a un ordinateur qui fait des simulations.
— Ah oui ?
— Monsieur Nemeth l’a surnommé Andrea, si bien que je dois en parler au féminin. C’est elle qui vous a sélectionné. Ce que vous allez faire maintenant lui permettra d’affiner ses prédictions, afin d’obtenir un résultat proche de celui que nous souhaitons : un nombre égal de filles et de garçons tués. Si nous prévoyons qu’un déséquilibre va se produire, nous intervenons. Nous n’y arrivons pas toujours. L’avant-dernière fois, il y a eu six garçons tués. Nous nous sommes rattrapés lors du dernier jeu. »
Léo n’en avait rien raté. Lors de cet épisode, c’étaient les filles qui avaient trinqué.
« Puisque vous faites des simulations, vous pouvez me donner mes chances de survie ? demanda-t-il.
— Essayez d’abord de me violer.
— Si j’échoue, est-ce que ça diminue mes chances ?
— Vos chances, c’est vous qui les créez. Andrea essaie seulement de deviner ce qui va se passer.
— Les autres garçons, est-ce qu’ils arrivent à violer leurs hôtesses ?
— Je ne peux pas vous dire combien. Certains tentent le coup et réussissent. D’autres échouent. Il y en a qui se prennent un coup de genou dans les parties, mais rassurez-vous, ils sont soignés. Nous avons ici un bon antalgique. »
Amalia fut tellement amusée par ses propres paroles qu’elle faillit pouffer de rire. Ses yeux étincelèrent de malice, faisant croire à Léo qu’elle était en train de plaisanter. Il savait pourtant qu’un massacre final aurait bien lieu.
Comme il ne bougeait pas, la jeune femme s’approcha de lui pour lui remettre sa serviette. Il la passa sur son corps bien que celui-ci fût presque sec. Il s’était peigné sous la douche.
À présent, il pouvait admirer Amalia. C’était une grande femme dépassant le mètre soixante-dix. Fine sans être dépourvue de muscles, elle entretenait probablement son corps en faisant du jogging ou du fitness. Le pénis de Léo s’abaissa traîtreusement devant cette proie pourtant très tentante. Les seins plantureux d’Amalia se présentaient comme deux fruits à cueillir, mais il y avait des épines.
Après avoir terminé son essuyage par sa queue, Léo rendit la serviette à Amalia, qui la mit à sécher sur un mur et revint le narguer, la main droite sur la hanche.
« Après réflexion, je crois que je vais passer mon tour, déclara-t-il.
— C’est une sage décision, jugea Amalia. Il vaut mieux que vous gardiez votre sperme pour cet après-midi et ce soir.
— Vous étiez sérieuse ?
— Qu’est-ce qui vous a fait penser que je plaisantais ? Vous avez oublié où vous vous trouvez ?
— Non.
— Vous avez au moins compris pourquoi les viols réussis ne sont pas fréquents dans le jeu, mais vous serez poussé à tenter votre chance. »
Amalia fit quelques pas en secouant sa chevelure, les coudes levés au-dessus de la tête et la poitrine mise en avant.
« Il faut partir, déclara-t-elle. Cette chambre n’est qu’une sorte de vestibule. Je vais vous faire découvrir votre logement. »