Maylis connaissait déjà les chambres des participants, puisqu’elle en avait vu à la télévision, mais elle fut très impressionnée d’y faire son entrée, tant le contraste avec le gourbi de Kilian était grand. Elle dépassait les cent mètres carrés et comprenait même un petit bassin dans son sol de marbre.
« C’est le genre de logement que vous pourrez vous payer grâce à vos gains, déclara Jared. Vous avez même la possibilité de chercher dès maintenant votre future maison. Nous vous encourageons à vous y mettre puisque vous aurez besoin de nos conseils. Il n’est pas facile de gérer une fortune.
— Je m’en doute.
— La société Eumédia mettra des conseillers financiers à votre disposition. Ne faites confiance qu’à eux. Il va de soi que vous attirerez des personnes mal intentionnées. »
Maylis traversa la pièce en laissant Jared derrière elle et s’arrêta devant une grande baie vitrée. Sous ses yeux, s’étendait une prairie parsemée de quelques mares et, jusqu’à l’horizon, une forêt d’où les êtres humains paraissaient être absents. Le silence et l’immensité des lieux donnaient à la jeune fille l’impression d’avoir quitté l’Europe pour un autre monde.
« Cette vitre vous préserve de la chaleur, expliqua Jared. L’air que vous respirez ici est maintenu à une température de trente degrés par le simple fait qu’il circule sous la colline. Vous pouvez sortir par ici. »
Comme la baie était surmontée par un immense balcon, le soleil ne pouvait pas entrer dans la chambre en été. Cet espace était presque vide. Les seuls meubles étaient un lit, un canapé, une grande table et quelques chaises. Un tapis avec des coussins était étendu par terre. Maylis n’avait pas besoin d’avoir des armoires où ranger ses vêtements, car elle n’en avait aucun. Un petit meuble contenait des serviettes et autres objets de toilette.
« Il n’y a pas de douche ? fit Maylis.
— Elles sont là, répondit Jared en désignant un mur. Vous pouvez vous doucher et vous baigner ici-même. »
Maylis retourna vers l’intérieur et fit courir ses doigts sur l’écran mural. Jared la suivit du regard, sans pouvoir empêcher son attention d’être captée par le satin de ses fesses, qu’il avait provisoirement décoré de quelques gouttes de sperme. Il avait le torse et les pieds nus mais portait un pantalon.
« Je suis filmée ? s’enquit-elle.
— Pas encore, mais ça ne va pas tarder. Nous allons déjeuner ici. Voulez-vous me dire ce qu’il vous plairait de manger ? Je vais passer commande. »
Maylis exprima immédiatement le désir de déguster une assiette de crudités et un poulet rôti, ce qu’elle n’avait pas fait depuis plus d’un an. Elle s’assit ensuite à sa table, face à l’écran mural. Ce meuble disposait lui-même d’un petit écran tactile, qu’elle activa.
« Je peux contacter mes amies ? demanda-t-elle.
— Bien sûr ! Vos amies et tous vos bénéficiaires.
— Je commence à les désigner maintenant ?
— Allez-y ! »
Jared montra comment remplir le formulaire et Maylis enregistra sept bénéficiaires.
Comme elle avait changé de montre, Jared dut l’aider à se reconnecter pour qu’elle puisse les appeler. Clotilde fut la troisième, les deux premières étant des jeunes femmes qui habitaient trop loin pour qu’elle puisse leur rendre visite mais qu’elle tenait à ne pas oublier.
« Maylis ! s’écria Clotilde. Alors ça y est, tu es arrivée ?
— Oui, je suis en place.
— J’ai eu le message d’Eumédia ! C’est génial !
— C’est génial pour moi aussi, ma belle.
— Il ne faut pas t’inquiéter. Tout va bien se passer.
— Pour le moment, il n’y a pas de problème. Ils ont été très gentils avec moi », fit Maylis en jetant un coup d’œil à Jared.
Il était assis à un côté adjacent de la table et écoutait attentivement la conversation.
« Je ne te montre pas la chambre où je suis en ce moment, reprit-elle. Tu sais comment elles sont. Bref, tout va très bien, mais je me fais des soucis pour la fin.
— Ça ira, je te dis. Tu es très forte.
— Tu te trouves où, en ce moment ?
— Chez Aude.
— Ah oui ? Je peux la voir ? »
La conversation se poursuivit de la sorte avec Clotilde puis avec d’autres amies. L’arrivée d’un robot portant des plateaux-repas interrompit ces bavardages. C’était un petit véhicule à quatre roues uniquement dédié à cette tâche.
« Mangeons avant que ça ne refroidisse, dit Jared.
— Est-ce que je peux aller aux toilettes avant ? demanda Maylis.
— Bien sûr. Je vous conduis ? »
Jared amena la jeune fille devant une porte, dans un coin de la chambre, qui s’ouvrit à leur arrivée. Elle fut rebutée de voir quatre caméras. L’une d’elles avait été placée derrière la cuvette, de manière à transmettre aux spectateurs une vue imprenable sur ses fesses. Il y avait même une lumière qui éclairait celles-ci.
« C’est pour les hommes qui aiment voir les femmes faire leurs besoins, expliqua Jared.
— Mais je n’ai jamais vu ces images ! Je ne savais pas qu’on était filmé.
— Pour les voir, il faut les acheter. Ça vous rapportera une somme pas du tout négligeable. Voulez-vous avoir une estimation ?
— Non.
— Ces toilettes sont automatiques. Vous n’avez pas à utiliser vos doigts ; des jets d’eau se chargeront de vous nettoyer. N’oubliez pas de bien écarter les cuisses quand vous pissez. »
Maylis prit place en se disant que, puisqu’elle avait accepté d’être assassinée devant des caméras, elle pouvait aussi bien lâcher un jet d’urine. Son corps appartenait désormais à des spectateurs-voyeurs.
La porte s’abstint de se refermer tant qu’elle resta dans les toilettes. Elle en ressortit cependant heureuse d’avoir goûté à tant de confort et elle revint à table avec le sourire. Jared disposa son plateau devant elle et prit la bouteille de vin qu’elle avait commandée pour la déboucher.
Quand il lui proposa de trinquer, elle s’en liquéfia de bonheur. C’était la toute première fois qu’elle prenait un vrai repas avec un homme. Le bouquet du vin et la fragrance de sa truite aux amandes emportaient son âme au-delà des nuages, mais elle gardait conscience de son corps. La contemplation du torse et des bras puissants de Jared provoquèrent une poussée de sève entre ses jambes.