Chapitre 3
La lumière du matin nous trouva étendus sur une houle de draps froissés. Si ma tête reposait sur mon oreiller, celle de ma compagne se trouvait près de mon ventre et sa main droite pesait sur l’une de mes cuisses, non loin de mon sexe.
Comment s’appelait-elle ? Il me fallut un moment pour me rappeler son nom : Tchoudya. Sa chevelure blonde était répandue comme de l’or liquide autour d’elle. Sa tête et ses bras étaient plus bronzés que son buste, où ses deux petits seins ressemblaient à des demi-boules de neige.
J’écartai délicatement sa main pour me lever. Un regard vers la porte de ma chambre, qui était ouverte, me rappela l’intrusion de la nuit. Je me souvenais vaguement de l’avoir fermée deux fois. Dès ma descente du lit, je vérifiai brièvement mes affaires et constatai que rien n’y manquait. La clé de la porte se trouvait là où Louriana me l’avait indiqué. Je n’avais pas pensé à l’utiliser. Apparemment, cet inconnu n’était pas entré pour me voler.
Je passai ensuite dans la salle de bains. Après une brève toilette, je revins dans ma chambre, où je m’habillai.
Tchoudya se réveilla à ce moment. Elle poussa un gémissement et s’étira. Je me demandai quelle serait sa réaction quand elle me verrait debout à côté du lit. Allait-elle s’effrayer de se découvrir toute nue sous les yeux d’un quasi inconnu ?
Elle me sourit au contraire.
« Bonjour, dis-je.
— Bonjour, répondit-elle.
— Est-ce que vous vous rappelez mon nom ?
— Comment ? »
Elle se redressa et se frotta les yeux. Je pris ses vêtements pour les poser sur son giron, puis je m’assis sur le lit.
« Vous rappelez-vous comment je m’appelle ? répétai-je.
— Oui… Euh… Enetol.
— Enetol Sotchak. Que savez-vous d’autre sur moi ?
— Vous êtes… vous êtes le nouveau précepteur des deux filles du comte Nikholor, n’est-ce pas ?
— C’est exact. Et comment nous sommes-nous connus ?
— Pourquoi posez-vous ces questions ?
— Répondez-y, s’il vous plaît. J’ai presque fini. Dites-moi comment nous nous sommes rencontrés.
— Au festin, bien sûr. Louriana invite chaque soir des gens au château. Ils peuvent y passer la nuit.
— Et vous avez dormi dans mon lit. Nous avons fait l’amour. »
Tchoudya tâta les draps autour d’elle, puis elle passa les mains sur ses seins.
« Bien sûr, fit-elle. On vient au château pour cela. Je peux aussi vous dire que je suis tombée amoureuse de vous. C’est naturel, non ?
— Pas exactement… Enfin, si… Est-ce que vous avez encore de l’attirance pour moi ?
— Bien entendu ! »
Elle s’approcha de moi pour refermer ses bras sur mon cou. Acceptant son étreinte, je lui caressai le dos, sur lequel s’entrelaçaient des mèches de sa longue chevelure. Je reçus ensuite un baiser passionné sur la bouche. Il provoqua une érection, mais je combattis mon désir de toutes mes forces.
« Je suis… très heureux de vous avoir rencontrée, déclarai-je en cherchant mes mots. Mais je…
— Vous m’aimez ? »
Comme Tchoudya semblait s’être sérieusement entichée de moi, cette question me gêna beaucoup, mais je trouvai une esquive :
« Vous reverrai-je ce soir ?
— Bien sûr ! Maintenant que nous avons fait connaissance, nous pouvons nous fréquenter librement. Mais nous n’irons plus à ces orgies.
— Pourquoi ?
— Ce sont des rencontres entre les garçons et les filles, pour qu’ils se connaissent. Comme je vous ai trouvé, je n’ai plus besoin d’y aller. Je vous plais ?
— Oui… Mais, il y a des orgies tous les soirs ?
— Presque chaque jour. Des fois, il n’y en a pas. C’est Louriana qui décide.
— C’est elle qui organise tout ?
— Oui.
— Et ses parents n’y voient pas d’inconvénient ? Ce que je veux dire, c’est que, généralement, les demeures des nobles ne servent pas à ce genre de… On se croirait plutôt dans une maison close.
— Non, ce n’est pas une maison close. Les garçons et les filles viennent s’y rencontrer. Je trouve que c’est très agréable.
— Les invités pourraient très bien se contenter de discuter. Ils n’ont pas besoin de…
— Pourquoi ? Vous n’aimez pas le sexe ? »
Un sourire amusé s’étira sur le visage de Tchoudya. Comme par contagion, il gagna le mien. Je ne pouvais certes pas la contredire.
« Tout le monde adore ces soirées, reprit-elle. J’y ai déjà participé plusieurs fois.
— Et vous n’avez pas trouvé de garçon à votre convenance ?
— Si, des fois. Mais ça n’a pas duré longtemps. Avec vous, je pense que ça peut durer. »
Elle se coula contre moi pour m’embrasser de nouveau sur la bouche. Je répondis plus volontiers à son ardeur que la première fois.
Des questions continuaient cependant à se former dans mon esprit, sur le festin. Je regrettais de ne pas y avoir assisté jusqu’au bout.
« Que se passe-t-il après le repas ? questionnai-je. Les jeunes gens partent dans une autre pièce et s’accouplent à qui mieux mieux ? »
Tchoudya eut un nouveau rire, mais en baissant les yeux, les joues rosies.
« Et après, vous allez dormir dans des chambres ? poursuivis-je.
— Oui.
— Avec quelqu’un ?
— Non. Les participants dorment séparément.
— Alors comment se fait-il que vous ayez passé la nuit avec moi ?
— Parce que Louriana le voulait, sans doute.
— Pouvez-vous me dire comment je vous ai séduite ? »
Tchoudya secoua la tête et baissa encore les yeux. Ses mains froissèrent le corsage et la jupe que j’avais déposés dans son giron.
« Je me rappelle seulement que j’ai été irrésistiblement attirée par vous et que nous avons fait l’amour très longuement. Vous me croirez si je vous dis que j’ai eu un coup de foudre pour vous ?
— Je vous crois.
— Nous resterons ensemble ?
— Oui.
— Vos deux élèves, elles ont couché avec vous ?
— Mm mm.
— Ça continuera tant que vous resterez là, vu qu’elles couchent avec tout le monde. Mais faudrait pas vous attacher à elles, parce que vous ne pourrez pas les épouser.
— Je le sais.
— Moi, je suis seulement la fille d’un paysan. Je suis moins belle de Louriana et Violla mais je suis à vous.
— Je vous trouve belle. »
Je posai une main sur la joue de Tchoudya.
« Je crois que Louriana veut que nous soyons ensemble, déclara-t-elle à mi-voix.
— Je le pense aussi.
— J’aurais jamais cru épouser un homme de la capitale. En plus, quelqu’un d’instruit. »
Dans quel jeu m’avait-on entraîné ? J’avais deux fiancées potentielles à Peresk, des jeunes filles de bonne famille, dotées d’un bon niveau d’instruction. Leur seul défaut était qu’une seule m’offrait son corps, rarement et pas de la manière que je souhaitais.
Ma fréquentation des prostituées m’avait un peu perverti, car elles étaient plus expertes dans les arts du sexe que les autres femmes. Je savais qu’il me faudrait me marier un jour, mais pour l’instant, je me souciais plus d’obtenir un maximum de plaisir de mes « amies putains » que de m’unir à ma seconde moitié. Et les aphrodisiaques qui m’avaient été donnés augmentaient brutalement mon penchant à la lubricité.
Je m’étais habillé dans un sursaut de vertu, estimant que j’avais déjà beaucoup profité de Tchoudya, mais mon sexe était solidement dressé. L’onguent continuait à produire son effet.
Mon amante toucha l’objet de son désir à travers le tissu, puis elle entreprit fébrilement d’ouvrir mon pantalon. Je vis son visage s’illuminer quand mon gros dard de chair émergea. Aussitôt, elle rejeta les vêtements que je lui avais donnés, changea de position et se mit à me sucer avec avidité. Et de nouveau, la jouissance grandit en moi, avec la force irrésistible de racines soulevant des rocs. Je sentais qu’une fontaine allait jaillir de mon phallus et j’eus envie de la regarder.
Je demandai donc à Tchoudya de se redresser et je me mis à genoux sur le lit pour pointer mon membre vers sa poitrine. Je me masturbai alors vigoureusement.
« Vous ne voulez pas me pénétrer ? se plaignit-elle.
— Je le ferai ce soir. J’ai envie de voir mon sperme couler sur vous. »
À peine cette phrase terminée, l’embrasement de mon phallus me rendit incapable de prononcer autre chose que des râles de plaisir. Un long jet en fusa et vint s’étaler sur la poitrine de Tchoudya. Après ce que j’avais éjaculé la veille et durant la nuit, la quantité de semence que j’étais encore capable de produire me laissa pantois, mais je remarquai qu’elle était plus claire et plus liquide que d’habitude. De larges coulures rampaient déjà vers le ventre de Tchoudya.
Elle les étala sur ses seins et en préleva un peu pour y goûter.
« C’est bon ? demandai-je.
— Oui.
— Allez donc vous laver. »
Tchoudya m’obéit. Un bon moment après, elle revint et se résolut enfin à s’habiller… avec les mêmes vêtements que la veille, qui ne la couvraient guère.
« J’adore ces petites jupes, dis-je en admirant les jambes de mon amoureuse. On les confectionne spécialement pour les soirées au château ?
— Oui. Je vais me changer à Nevilok. »
Elle me donna un sourire timide et se caressa les cuisses, comme pour vérifier la douceur de sa peau. J’appréciais ses formes légèrement potelées, montrant qu’elle était bien nourrie. Avec ses doigts délicats, elle n’avait rien d’autre à faire que des travaux d’aiguille.
« Prenez-vous le petit déjeuner ici ? m’enquis-je.
— Non, je n’ai pas faim. Je préfère manger après mon retour à la maison. »
Je ne voyais pas le soleil mais il me semblait avoir déjà monté. Des feuillages baignaient dans sa lumière, aux fenêtres de ma chambre.
J’accompagnai Tchoudya à l’entrée du château, où elle avait laissé ses chaussures. En chemin, nous ne rencontrâmes qu’une jeune servante. Le vieux garde ne semblait pas être à son poste. Sans doute était-il encore en train de ronfler dans son lit.
Avant de se séparer de moi, Tchoudya m’enlaça et me donna un baiser humide de passion.
« Venez chez moi à Nevilok, insista-t-elle.
— Vous me présenterez comme votre fiancé ?
— Oui, bien sûr ! Il ne faut pas avoir peur de mes parents : ils seront très contents de vous voir.
— Je n’en doute pas… Pour une fois que leur fille ne vient pas au château pour copuler avec des inconnus… »
Les yeux de Tchoudya s’arrondirent. Elle ne sembla pas avoir compris ce que j’avais voulu dire.
« Ça n’a pas d’importance, fis-je. Mais je m’inquiète que vous rentriez seule, avec cette jupe faite pour les orgies. Il n’y a personne pour vous raccompagner chez vous ?
— Ce n’est pas la peine. Je n’ai qu’une heure de marche et les routes sont sûres. »
Tchoudya commençait à s’éloigner de moi quand je la rappelai :
« Quelqu’un ne serait-il pas entré dans notre chambre, pendant que nous dormions ?
— Je ne sais pas… Vous croyez ?
— Il me semble… Mais j’ai peut-être rêvé. Allez, à ce soir ! »
Je le regardai s’en aller tout en restant dans le hall, puis je tournai les talons. Mes pas me conduisirent dans la salle à manger, où je trouvai Louriana. Elle s’était habillée de manière correcte, avec une jupe longue. Une quantité réduite de vaisselle avait été disposée sur la table, apparemment pour moi seul. Les fêtards de la veille avaient déjà quitté le château. Comme tous les paysans, ils devaient se lever au point du jour, mais j’étais étonné qu’ils pussent le faire après les débordements de la veille, et de plus après un sommeil aussi lourd.
« Avez-vous bien dormi ? s’enquit Louriana, sans pouvoir dissimuler un sourire ironique.
— J’étais un peu trop affairé pour fermer l’œil. Et maintenant, me voilà officiellement fiancé. Votre potion magique était efficace. »
Je tirai une chaise pour m’y laisser choir. Louriana prit place à côté de moi.
« Je connais Tchoudya, me dit-elle sur un ton conciliant. Je crois qu’elle représente pour vous un excellent parti, mais rassurez-vous, le mariage n’est pas pour tout de suite. Vous avez en réalité une amante que vous pourrez retrouver chaque soir. N’est-ce pas agréable ?
— Oui, reconnus-je.
— Et ces aphrodisiaques ne conduisent pas forcément à une grande histoire d’amour. Tout dépend de la personne avec laquelle vous couchez.
— Ah, vous me rassurez ! Je vais pouvoir sauter tranquillement toutes les jeunes filles que je rencontrerai.
— Si vous le désirez.
— Je vois qu’en matière de sexe, vous et votre sœur, vous êtes imbattables. Hier, vous n’avez pas été franche en me disant que vous vous donniez à des hommes de passage. En fait, vous vous faites sauter tous les soirs et vous entraînez des tas de gens dans votre sillage. »
Le sourire de Louriana s’effaça.
« Vous me désapprouvez ? répondit-elle.
— Non. Je dois même vous remercier pour le plaisir que vous m’avez donné, mais ce n’est pas le genre de comportement que l’on attend d’une aristocrate.
— Je ne me considère pas comme telle.
— Cela, je l’ai compris. Vous en êtes pourtant une aux yeux de tous les autres membres de la noblesse, et un jour, vous serez mariée à l’un d’eux. Dois-je vous rappeler que vous devrez être fidèle à votre époux ? Cela implique une certaine retenue. Il doit en être de même, d’ailleurs, de toute femme mariée. »
J’avais adressé la même remarque à Violla. Comme sa sœur, Louriana la balaya d’un revers de main.
Une servante s’approcha de moi pour remplir une grande tasse de thé. La table se garnit de pains, de saucisses et d’une omelette.
« Il règne tout de même une incroyable débauche entre les murs de ce château et je m’étonne qu’à la cour, personne n’en ait entendu parler, repris-je.
— Le comté de Tchebolok appartient officiellement au royaume de Touvénie mais se trouve en réalité hors du monde, répondit Louriana. La forêt permet à ses habitants de vivre en autarcie presque complète. Vous êtes l’un des rares étrangers qui soient venus au château. Notre relation avec la cour se limite au versement des impôts, mais on ne nous demande pas grand chose. On sait qu’à part la forêt, il n’y a rien. Vous le saviez, n’est-ce pas ?
— Oui. »
Louriana se remit à sourire.
« Vous nous considérez comme des sauvages ? demanda-t-elle.
— Un peu.
— Alors vous nous excusez d’avoir de telles coutumes ?
— Oui, et comme je vous l’ai dit, j’y ai pris du plaisir. Mais en tant que précepteur, il est en mon devoir de vous donner certains avertissements. »
Mon élève hocha la tête mais son sourire ne s’effaça pas.
« Je me demande d’ailleurs ce que vous avez fait aux jeunes filles qui ont participé à l’orgie. Elles étaient plongées dans un sommeil anormal.
— Vous les avez visitées ?
— Oui. N’y avait-il pas une drogue dans leur vin, ou dans leurs aliments ?
— C’était très inoffensif, et nullement à leur insu. Avant de les quitter, je leur ai donné un calmant pour les aider à fermer l’œil. Elles se sont levées, ce matin de bonne heure, toutes ragaillardies et très contentes d’avoir connu cette partie de plaisir. Vous ne les avez pas croisées ?
— Non. »
J’attaquai l’omelette, tandis que la servante restait à ma disposition, prête à découper des morceaux de pain ou de saucisse. Mais son rôle ne se limitait peut-être pas à cela, comme en témoignaient sa jupe courte et son corsage rétréci. Avec un costume aussi provocant, elle avait l’air de s’être préparée pour une nouvelle orgie. J’avais beau avoir éjecté une quantité impressionnante de sperme peu de temps auparavant, je me sentais d’humeur à sauter sur cette jeune fille plutôt séduisante.
« Il ne faut pas vous gêner, me conseilla Louriana, en me donnant un regard pénétrant.
— Vous continuez à lire mes pensées ? fis-je la bouche pleine.
— Je regarde simplement votre pantalon. (Mon renflement au bas du ventre était en effet bien visible). Je sais aussi que ces aphrodisiaques continuent à agir. Je vous conseille néanmoins d’en reprendre ce matin. Il en faut une fois par jour.
— C’est une obligation ?
— Je vous aide à profiter de la vie. »
Après avoir vidé ma bouche, je me tournai vers la servante, une brune aux yeux bleus qui devait avoir à peu près vingt ans, moins étoffée que Tchoudya et aux petits seins fermes. J’observai également les forces qui montaient en moi : l’envie d’attirer à moi cette jeune fille, de lui caresser les cuisses, de lui arracher ses vêtements… Je devais également me retenir de lui montrer mon phallus, qui était en train de ruer dans son entrave de tissu.
Bien sûr, j’avais des pensées similaires pour Louriana, avec laquelle j’avais déjà connu la jouissance mais que je n’avais pas vue entièrement nue.
Je revins à mon repas.
« Puisqu’il fait beau, préparez-vous à sortir, déclarai-je. Je vais faire mon premier cours dehors.
— Bien. »