Ilouwa avait de l’autorité au sein du temple. Dès le lendemain matin, Wanzata et Ahhina échangèrent leurs places. Cette dernière fut chagrinée de me quitter si rapidement, mais de manière modérée puisque j’avais montré peu d’empressement envers elle. Je la pris toutefois dans mes bras et je la cajolai, en lui promettant que nous nous reverrions. Encore une fois, c’étaient des paroles hypocrites qui sortaient de ma bouche. Ilouwa ne se serait pas séparée de Hantiwa, puisqu’elle était à son service depuis plusieurs années et que des liens affectifs s’étaient tissés entre elles.
J’attendis l’arrivée de Wanzata comme un jeune marié attend sa nuit de noces. L’abondance excessive des jeunes femmes peuplant le temple pouvait blaser mes désirs sexuels, mais je savais que je ne me laisserais jamais de cette servante. Ilouwa rayonnait comme un soleil dans mon cœur ; Wanzata était comme l’étoile du berger l’accompagnant dans sa course. La lumière de ses yeux m’envoûtait.
Elle se présenta avec un paquet de vêtements qui constituaient ses seules affaires. Je la laissai les ranger puis je la pris dans mes bras. Je voulus mettre un peu de solennité dans mon accueil mais je sentis ma verge se tendre en même temps que mes mains, et bien sûr, elle s’en aperçut. Avec leurs jambes presque nues, les servantes me faisaient autant saliver que des cédrats de l’espèce royale.
« Es-tu contente d’être ici ? demandai-je.
— Bien sûr ! » répondit-elle joyeusement.
Elle dut faire un effort pour ne pas se tourner vers Ilouwa, assise derrière elle, sur notre lit.
« C’est grâce à moi que tu es là, précisai-je.
— Oui, je sais.
— J’ai dû faire une promesse pour obtenir le consentement de ma handaï, c’est que tu réfrènes tes désirs pour les femmes. En d’autres endroits, Ilouwa ne se refuserait pas à toi, mais ici nous sommes dans le temple de Welouma.
— J’en suis consciente et j’importune très peu Ilouwa. Il me suffit de la rencontrer chaque jour. »
Je fis asseoir Wanzata sur son nouveau lit, en gardant ses mains dans les miennes.
« Tu ressens un véritable amour pour elle ? continuai-je.
— Oui.
— Mais tu es également attirée par les hommes ?
— Oui.
— Et les hommes qui sont ici ne te suffisent pas ?
— Si, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à certaines femmes. Faire l’amour avec une femme, c’est différent. J’ai envie de sentir leur peau contre la mienne, de les embrasser et de lécher leurs vulves. J’y pense tous les jours.
— En toute franchise, qu’est-ce que tu préfères ? Les hommes ou les femmes ?
— C’est difficile à dire. Ce n’est pas comparable.
— Tu as déjà aimé un homme comme tu aimes Ilouwa ?
— Oui, bien sûr.
— Dans le temple ?
— Il y a des hommes ici que j’apprécie, mais mon premier amour, je l’ai connu ailleurs.
— Et moi, est-ce que tu pourras m’apprécier ?
— Je crois. »
Il ne m’était pas très difficile de comprendre Wanzata. Malgré mon goût pour les femmes, j’avais eu des relations amoureuses avec des hommes, car dans mon pays, c’était la règle. Le corps masculin était vénéré.
Wanzata écarta les pans de ma tunique pour refermer sa main droite sur mon membre turgide. Je trouvais aphrodisiaques les propos qu’elle avait tenus sur son amour des femmes et je la revoyais accroupie devant Ilouwa, en train de nettoyer les fluides s’échappant de son sexe. C’était une scène inoubliable.
« Que veux-tu que je te fasse ? demanda-t-elle. Ou que veux-tu me faire ?
— Peux-tu commencer par te déshabiller ? » répondis-je.
Wanzata découvrit sa poitrine, puis elle se leva pour se placer devant moi. Elle dénoua sa ceinture et son péplos tomba dans un doux murmure. Elle prit ses seins en coupe et se trémoussa d’une manière fort réjouissante pour mes yeux, puis elle s’agenouilla pour avaler mon phallus. Elle me suçait aussi bien qu’Ilouwa. Un moment, je fermai les yeux pour mieux goûter à l’incendie que sa langue humide allumait dans mon bas-ventre.
Notre petite partie de plaisir me parut bien engagée quand une voix nous interrompit :
« Vous êtes beaucoup trop sages, tous les deux !
— Quoi ? » m’écriai-je.
C’était Ilouwa qui venait de parler. Je n’avais pas vu qu’elle s’était déshabillée.
Elle s’avança vers nous et s’accroupit derrière Wanzata. Celle-ci comprit tout de suite ses intentions, et un sourire de satisfaction illumina son visage. Après une brève interruption, elle reprit sa fellation tandis qu’Ilouwa la caressait. Ses mains s’aventuraient sur ses bras, ses épaules et ses seins, dont elle malmena les mamelons. Ma servante commença à ahaner de plaisir tant en maintenant mon pénis dans sa bouche. Quand Ilouwa accrut son excitation, en enfonçant deux doigts dans son vagin, elle montra de tels signes de jouissance que j’eus peur pour mon petit trésor : je craignis qu’elle enfonçât ses dents dans ma chair.
Mais en même temps, le spectacle de ces deux beautés se pelotant à mes pieds atteignait les sommets de l’érotisme. En prêtant attention à mon souffle rauque, Wanzata devina que ma fontaine était sur le point de jaillir. Elle lâcha mon phallus, et aussitôt, Ilouwa la poussa à se lever et à lui faire face.
Il me sembla que les deux femmes poursuivaient ce qu’elles avaient commencé la veille : leur baiser passionné. Leurs lèvres et leurs langues se fondaient en une masse mouvante, ce que je ne pouvais pas voir mais que je devinais fort bien. Tout en appuyant sa main gauche sur la nuque de Wanzata, Ilouwa maintenait plantés l’index et le majeur de sa main droite dans le sexe de sa partenaire, et elle en tirait un jus qui lui coulait sur la main. C’était comme si elle avait écrasé un quartier d’orange. Je m’étais levé en me tenant le phallus, et j’aurais volontiers arrosé ces deux femmes de mon sperme. La gamme des plaisirs que je découvrais dans le temple de Welouma était décidément infinie.
Ilouwa renversa Wanzata sur son lit, jambes écartées, et elle attaqua son sexe à grands coups de langue. Ma servante ne tarda pas à pousser des cris de démente, son corps se cambrant comme une mer secouée par une tempête. Ilouwa s’arrêta, la bouche pleine de cyprine, pour me lancer :
« Qu’est-ce que tu attends ? Prends-moi par derrière ! »
Je m’agenouillai derrière l’arrondi de sa croupe et je poussai mon pieu. Ma semence n’attendait qu’un geste pour gicler. Wanzata et moi, nous eûmes nos orgasmes en même temps. Celui d’Ilouwa arriva un peu plus tard. Mon sexe étant resté dur après avoir projeté son fluide brûlant, j’avais continué à pétrir le vagin de mon amante.
Rassasiés d’amour, elle et moi, nous nous effondrâmes en même temps par terre, comme si des fils qui nous avaient maintenus venaient d’être coupés.
Les premières paroles que je prononçai furent celles-ci :
« Comment as-tu pu refuser la venue de Wanzata jusqu’à maintenant ?
— C’est toi qui m’y as poussée, tout simplement, répondit Ilouwa.
— J’espère qu’à cause de moi, tu n’as pas enfreint les règles.
— Deux femmes ne devraient pas faire l’amour toutes seules, mais tu étais là.
— Alors nous pourrons continuer à trois ?
— Si tu le veux… mais pas tout le temps. »
En voyant comment Ilouwa s’y était prise avec Wanzata, je me rappelai certaines de ses paroles. Elle m’avait raconté avoir connu ses premières jouissances sous les doigts de sa propre mère. Donc l’amour entre femmes ne lui était nullement inconnu. Je l’imaginai lécher la vulve d’où elle était sortie. Avec les prêtresses de Welouma, on pouvait s’attendre à tout.
Sur ce qui se passa les jours suivants, il n’y a pas grand-chose à dire. Je m’habituais à ma vie d’amour et de sexe, à l’ambiance orgiaque qui se levait chaque matin et ne retombait qu’au crépuscule. C’était désormais Wanzata qui me parfumait le pénis à mon réveil, et celui-ci s’étirait dans ses mains expertes comme s’il avait effectué une pandiculation au sortir d’un somme. Je le trempais immanquablement dans sa liqueur, et une fois, je réussis à avoir un puissant orgasme sans perdre une seule goutte de sperme.
Ilouwa et Wanzata me faisaient baigner dans un bonheur parfait, et si j’allais chercher d’autres femmes, c’était de plus en plus parce que j’y étais contraint. Je ne nierais pas que tombais sur de belles pépites et que je prenais beaucoup de plaisir avec elles, mais même la plus forte de mes jouissances acquérait quelque chose de mécanique. Il y manquait la passion et le sel que l’inénarrable Wanzata jetait dans nos relations.
Ce jour arriva enfin. Dès leur réveil, les prêtresses devaient s’abstenir de rapports sexuels, mais cela ne les empêchait pas de faire leur toilette habituelle et d’avoir la vulve parfumée. De l’autre côté de notre lit, Wanzata frottait mon pénis avec un soin coquin, le faisant gonfler de désir sous ses doigts.
« Tu peux toujours faire l’amour avec ta servante, m’apprit Ilouwa, derrière mon dos.
— Mais si je ne peux pas éjaculer, cela va me servir à quoi ? répondis-je. Je vais rester en érection.
— Il est bon d’apprendre à se dominer, de temps en temps. Tu crois que je n’ai pas envie de baiser avec toi, en ce moment ?
— Puisque aujourd’hui est un jour spécial, ne pourrais-je pas avoir le droit de lâcher un peu de sperme sur ma servante ?
— Pas dans le temple. Mais tu es libre de le quitter dès maintenant et d’aller te décharger où tu le voudras. Je sais que tu iras voir une prêtresse avec Mélanopos, alors garde ta semence pour elle.
— En ville, les prêtresses peuvent faire l’amour pendant les sacrifices ?
— Chez elles, les règles ne sont pas les mêmes qu’ici. »
Après avoir mis son péplos, Ilouwa se plaça debout devant moi et me fit soupirer d’admiration. Elle portait ses plus beaux bijoux et des pierreries scintillaient sur sa poitrine. Ses multiples tresses avaient été défaites et sa chevelure avait été relevée sur l’arrière de sa tête. De petites chaînes d’or tombaient de son chignon. Un léger maquillage soulignait le contour de ses yeux et teintait ses lèvres en rouge.
Elle s’était parée comme pour aller à une grande fête, sans ostentation mais avec beaucoup d’élégance. Tout nu et en érection, je me sentis un peu stupide.
« Habille-toi, dit-elle à voix basse, avec un léger sourire. Ça ira mieux après. »
Je suivis son conseil en mettant la belle tunique qu’elle m’avait confectionnée, avec une habileté propre aux Warittes, et nous prîmes notre petit déjeuner.
« Le premier sacrifice va commencer, m’annonça ensuite Ilouwa. Il aura lieu dans une cour près de l’entrée du temple. Les hommes ont le droit d’y assister, mais sans entrer dans la cour.
— Alors nous devons le regarder d’en haut ? répondis-je en croyant faire une plaisanterie.
— Exactement ! Vous avez le droit de monter sur le toit. Va chercher Mélanopos. Il t’y conduira. Après, vous pourrez quitter le temple. Ce n’est pas une obligation mais c’est conseillé. Profitez de cette occasion pour vous divertir en ville. Tu connais Nessana ?
— Non. De la porte nord, je me suis rendu directement ici.
— C’est dommage, mais tu vas pouvoir réparer ton erreur. »
Quand nous nous quittâmes, j’eus un pincement au cœur, comme si le regard donné à ma bien-aimée avait été le dernier. Elle se montra également émue, bien qu’elle fît des efforts surhumains pour dissimuler son trouble. Il dépassait sûrement de loin la tristesse de notre séparation, touchant à son problème de stérilité.
Je la pris simplement dans mes bras et posai mes lèvres sur ses joues parfumées à l’eau de rose, et je la laissai partir. Wanzata m’effleura un bras.
« Je te conduis chez Mélanopos ? proposa-t-elle.
— Non, ce n’est pas la peine. J’ai retenu la route. »
Je l’embrassai beaucoup plus fougueusement qu’Ilouwa. Je me sentais de plus en plus proche d’elle, sans vraiment être amoureux, parce qu’il y avait une totale complicité entre nous. Contrairement à Ilouwa, elle ne me dissimulait rien de ses joies ou de ses peines, de ses petits comme de ses grands soucis.
Mes sandales aux pieds et mon sac à l’épaule, je me dirigeai vers la chambre de Mélanopos et le trouvai en compagnie d’Euryèlos. Sa handaï était partie avec les autres prêtresses.
« Ilouwa t’a invité à voir le premier sacrifice ? me dit-il. Elle a bien fait. Tu verras que ça en vaut la peine. Les nouveaux venus ne manquent jamais d’y assister.
— Et les sacrifices suivants ? questionnai-je.
— Il y a plusieurs cérémonies qui durent jusque tard dans la nuit, mais les hommes ne peuvent pas y assister. Ce qui s’y passe ne nous concerne pas.
— Nous ne sommes là que pour féconder les prêtresses ?
— Et pour les faire grimper au ciel. »
Nous nous dirigeâmes vers l’entrée du temple et nous pénétrâmes dans une salle carrée aux murs élevés, mais pourvue d’un unique et massif pilier central sculpté en forme de femme nue, les bras collés le long du corps et les mains posées sur les cuisses. Les détails de son sexe avaient été représentés avec précision ; le clitoris enflé sortait de son capuchon. Contre un mur, une lionne de pierre allongeait une patte sur un globe d’obsidienne et tournait la tête pour regarder cette cariatide. Si j’avais vu celle-ci à mon arrivée, je l’aurais prise pour Welouma, mais à présent, une telle erreur n’était plus possible. Je savais qu’il n’existait que deux statues de la déesse, dont l’une était invisible aux hommes.
Plusieurs femmes avaient été représentées en mosaïque sur les murs, leur immenses corps s’étirant du sol au plafond. Elles avaient des iris de turquoise. Des boutons de jaspe rouge formaient des mamelons sur leurs lourdes poitrines. Certaines étaient représentées de face, d’autres de profil, avec un art égalant celui des plus habiles artisans de mon pays.
« Le décor est étonnant, hein ? fit Mélanopos. Une cérémonie est organisée ici, mais pas dans la matinée. »
Un bassin rectangulaire avait été bâti sous l’ouverture du toit et quelques poissons y nageaient. Juste à côté, un massif escalier de granit montait. Nous l’empruntâmes et arrivâmes sous le ciel. Cette terrasse surplombait tous les toits de Nessana, sauf ceux de quelques autres temples, qui faisaient comme des montagnes sous l’étendue éblouissante du ciel. Même le palais royal n’était pas aussi haut.
Nous avançâmes jusqu’à un parapet. Mon regard plongea dans une cour carrée au milieu de laquelle se dressait un impressionnant phallus en basalte. Il était comme la contrepartie masculine de la cariatide que nous venions de voir, mais il ne soutenait aucun toit. Le gland trônait comme une boule à son sommet.
« Ils ont dû s’inspirer du mien, ricana Mélanopos. Tu ne vois pas la ressemblance ?
— Je ne suis pas très physionomiste », répondis-je.
Une trentaine d’hommes nous entouraient, essentiellement des Warittes. Nous ne pouvions pas nous protéger du feu céleste, mais comme il était encore tôt, le soleil était bas et nous nous arrangions pour l’avoir dans le dos.
La cour se remplissait de prêtresses. Il me fut difficile de les compter avec exactitude mais il y en eut sûrement plus de cent dix. Je croyais assister à l’éclosion d’autant de fleurs incarnant la beauté féminine. Parmi elles, il y avait une orchidée que je reconnus immédiatement et qui fit battre mon cœur. C’était Ilouwa, vêtue comme ses consœurs mais plus radieuse qu’elles.
Elles se mirent à tourner autour du phallus géant en chantant en chœur. Leur bras nus se levaient comme des épis de blé caressés par le vent et leurs bijoux jetaient des milliers de feux. Leur litanie rythmée dura longtemps. Bien qu’elle fût chantée par des femmes, elle avait un ton grave et elle me paraissait monter des profondeurs de la terre. J’eus le regret de ne pas comprendre leurs paroles, mais Mélanopos m’apprit qu’elles étaient des louanges à Welouma et que les prêtresses lui exprimaient leur dévouement.
Après s’être tues, les femmes reculèrent contre les murs et deux hommes arrivèrent avec un bouc entravé. Ils portaient des simarres et de curieuses tiares pointues, qui leur couvraient partiellement les joues, et chacun était armé d’un long couteau à lame recourbée. Ils posèrent l’animal au pied du phallus.
« Ce sont des prêtres de Welouma, commenta Mélanopos. Leur rôle est surtout de faire des sacrifices sanglants. Les prêtresses ne peuvent pas s’en charger elles-mêmes. »
Il me sembla reconnaître l’un d’eux.
« Tu vas voir ce qui va se passer ! » fit Mélanopos, avec une excitation grandissante.
L’une des prêtresses retira son péplos, et dans la pénombre de la cour, où les rayons du soleil atteignaient seulement le sommet des murs, elle s’avança entièrement nue vers le bouc. C’était Lawarna.
Allongée contre l’animal, refermant ses bras pour le serrer contre elle, elle simula une copulation. Je doutais fort que ce pauvre bouc fût intéressé par ce corps de femme et je pensais qu’il était plutôt effrayé par les nombreux humains qui l’entouraient. Mais Lawarna se mit à gémir et à se tortiller contre lui, exactement comme s’il s’était ébaudi dans son vagin. Elle poussa les mêmes cris qu’une femme possédée par un homme.
J’étais stupéfait par ce spectacle, mais je le fus plus encore par ce qui s’en suivit. Après avoir été « satisfaite », Lawarna s’écarta du bouc, mais en marchant à quatre pattes et en baissant la tête comme pour brouter de l’herbe. Elle semblait vraiment se prendre pour un animal, et si j’avais pu m’approcher d’elle, j’aurais sans doute vu quelque chose de bestial dans son regard. Tandis qu’elle errait autour du bouc, les prêtres s’approchèrent de lui pour fendre son thorax. Ils le tuèrent en libérant un flot de sang sur le terrain sablonneux, puis ils coupèrent ses testicules, enlevèrent leurs bourses et les jetèrent à Lawarna.
Elle les avala comme des olives dénoyautées.
Mélanopos éclata d’un rire qui lui secoua la panse.
« Si tu revois Lawarna, il faudra que tu fasses attention à tes couilles ! me dit-il. Elle serait capable de te les gober.
— Mais qu’est-ce que c’est que cette coutume ? m’écriai-je.
— Un rituel de fécondité, parbleu ! La femelle qui mange les couilles de son mâle, cela ne te semble pas transparent ?
— Lawarna était volontaire pour cela ?
— Elle n’avait pas vraiment le choix. L’officiante est toujours choisie parmi les plus jeunes prêtresses. »
Je frissonnai à l’idée qu’Ilouwa eût pu exécuter ce rituel.
Et ce n’était pas fini. En marchant à quatre pattes, Lawarna retourna vers la dépouille du bouc pour un nouvel et bref accouplement. Elle se roula littéralement dans son sang, et quand elle redevint humaine, en se redressant sur ses pieds, le liquide rouge souillait sa poitrine, son ventre et ses cuisses. Ce que l’on pouvait prendre pour un acte de folie était en fait l’acceptation du sacrifice sanglant par Welouma, dont Lawarna était l’incarnation.
Une immense exclamation fusa de l’assemblée des prêtresses. Elles s’avancèrent vers le phallus géant en se tenant par les mains, formant un cercle qui se mit à tourner dans le sens des astres, de l’est vers l’ouest. De nouveaux hymnes s’élevèrent de cette centaine de bouches féminines, plus mélodieux et joyeux que la première fois. Les prêtres s’étaient mis à l’écart et Lawarna se frottait contre le phallus, en tournant en sens inverse.
« Ça nous fait rire, mais ce rituel est ce que les Warittes ont de plus précieux et de plus ancien, déclara très sérieusement Mélanopos. Il existait bien avant la fondation de Nessana.
— Moi, ça ne m’a pas fait rire », me défendis-je.
À force de se frotter contre la pierre noire du phallus, Lawarna se nettoya presque du sang de la victime sacrificielle. Elle recula alors de quelques pas et s’assit sur les talons, les coudes sur les hanches et les avant-bras levés, ses paumes tournées vers le ciel. Son regard était fixé sur l’énorme gland comme s’il avait été un dieu rayonnant dans le ciel. Près d’elle, la dépouille du bouc gisait, abandonnée, après avoir donné à son « amante » ses sucs vitaux.
Je sentais que la cérémonie tirait à sa fin et j’avais envie de me retirer. La morsure du soleil se faisait de plus en plus vive à mesure qu’il montait.
« Nous pouvons partir ? demandai-je.
— Comme tu veux, répondit Mélanopos. Moi, j’ai déjà assisté à ce sacrifice. »
Au moment où je me levais, je fus arrêté par Ilouwa, car détacher mon regard d’elle était au-dessus de mes forces. Elle brillait parmi ces jeunes filles, pourtant belles, comme un diamant parmi des perles de verre. Je regardai Hasterza et d’autres prêtresses que j’avais eu l’occasion de connaître, mais aucune ne m’emplissait les yeux comme Ilouwa.
Je restai donc immobile, en suspension sur la terrasse du temple, mais je sentis les regards de Mélanopos et d’Euryèlos sur moi, et ce furent eux qui me décidèrent à partir. Nous retrouvâmes la salle à la cariatide unique, puis le hall d’entrée du temple, et nous franchîmes le perron.
Je me retournai pour regarder la façade, qui avait perdu pour moi une partie de ses secrets. Je savais que les salles situées près de l’entrée servaient au culte. C’était dans leurs décors somptueux que tous les sacrifices se déroulaient. Les logements des prêtresses, de leurs amants et de leurs servantes s’étendaient derrière, et au fond, se trouvait le parc et quelques magasins. Les prêtresses enceintes étaient enfermées dans une aile du côté est, la façade étant orientée au sud.